• ANDRE GRENARD MATSOUA

    ANDRE GRENARD MATSOUAEn dépit d’une certaine ambigüité dont a pu être chargé le nom de Matsoua ma Ngoma, ce personnage historique dont la vie a été reconstruite selon des aspirations politiques, religieuses ou même éthiques, demeure une personnalité emblématique, non seulement du Pool dont il est natif, mais également du Congo tout entier et même de l’Afrique Centrale. 

     
     

    Matsoua

    En dépit d’une certaine ambigüité dont a pu être chargé le nom de Matsoua ma Ngoma, ce personnage historique dont la vie a été reconstruite selon des aspirations politiques, religieuses ou même éthiques, demeure une personnalité emblématique, non seulement du Pool dont il est natif, mais également du Congo tout entier et même de l’Afrique Centrale. On lui doit notamment une des idées politiques les plus riches en perspective, celle de l’unification du combat contre la colonisation par delà les frontières nationales et de l’intégration politique et économique de l’Afrique Centrale.

    Il nous parait un juste retour des choses que d’évoquer cette icône de la lutte anticoloniale dont la vie, l’action et la pensée sont situées en dehors de toute considération ethnique. Parce qu’en Matsoua il y a l’homme lui-même et le matsouanisme sa doctrine. Il y a le martyr anticolo-nial et le mouvement religieux né sur ses cendres, après lui et indépendamment de lui. Quel que soit le jugement que l’on peut être amené à donner sur l’amicalisme, une chose reste sûre : la dimension légendaire de Matsoua ma Ngoma demeure aujourd’hui unanimement reconnue. C’est donc ce résistant intrépide, fils de Ngoma et de Nkoussou qui vit le jour le 17 janvier 1899 à Mandzala-Kinkala (Pool). Après quatre ans d’études chez les missionnaires catholiques à Mbamou, Matsoua exerça comme catéchiste à Mayama avant de devenir employé des douanes à Brazzaville en 1919. Deux ans plus tard, il s’envola pour l’Europe, débarqua à Anvers (Belgique) pour aller se fixer à Bordeaux puis à Marseille. Soucieux de bénéficier d’une relative dignité sociale et humaine en France au lendemain de la première guerre mondiale, il décida de s’engager comme volontaire dans l’armée française à l’occasion de la guerre du Rif en 1924.

    Cet épisode de la vie de Matsoua a pu être diversement interprété. Cependant, il est certain que cet homme poursuivait un objectif précis et que c’est au contact même des réalités de la guerre mondiale qu’il prit conscience de la nécessité de résister au colonialisme en le combattant de l’intérieur dans le but d’imposer les réformes nécessaires. A la fin de cette expérience de «ã€€tirailleur sénégalais » comme ont pu l’écrire certains historiens, Matsoua s’installa à Paris dès 1926, milita activement au sein de l’Union des travailleurs nègres et collabora au journal «ã€€le cri des nègres » édité par les travailleurs noirs immigrés.

    L’amicale : une force politique engagée contre la colonisation

    La même année, Matsoua créa sa propre organisation, l’Association amicale des originaires de l’AEF qui deviendra par la suite ce qu’on a appelé l’Amicale. L’Amicale se voulait une association d’entraide, à but exclusivement social et culturel. Cependant, l’administration coloniale y vit une organisation subversive, situation qui conduisit Matsoua et ses amis à radicaliser leur position en dénon-çant la politique de l’Indigénat et ce qu’elle comportait d’injustices au sein des colonies. Le bras de fer était désormais lancé : Matsoua organisa une campagne de résistance passive contre le colonisateur. Ce dernier prit peur et procéda à l’arrestation de Matsoua en décembre 1929 avant de le transférer au Congo.

    Le premier procès de Matsoua pourtant naturalisé français eut lieu les 2 et 3 avril 1930 au «ã€€tribunal indigène ». Certes Matsoua et ses camardes envoyés en 1928 au Congo pour collecter de l’argent au profit de l’Amicale furent condamnés sous le fallacieux motif de «ã€€trafic d’argent », mais la sentence (trois ans de prison assortis d’une peine d’interdiction de séjour de dix ans) sonna l’éveil de tout un peuple. De violentes altercations opposèrent les forces de l’ordre aux populations, un climat d’émeute s’installa à Brazzaville.

    C’est ainsi que Matsoua et ses trois camarades (Constant Balou Pierre Nganga et Jacques Mayassi) que rejoignirent dans leur infortune deux autres amicalistes fraichement arrêtés (Camille Diata et Louis Kyelle) furent déportés au Tchad. En 1935, alors qu’il avait purgé sa peine de trois ans de prison ferme mais qu’il restait sous forte surveillance dans ce pays pour des raisons d’interdiction de séjour au Congo, Matsoua s’éva-de de sa résidence surveillée, gagna le Nigeria puis retraversa le Tchad pour atteindre Berberati en Oubangui-Chari où, trahi, il fut de nouveau arrêté, molesté puis réincarcéré. Au cours de son transfert à Brazzaville, Matsoua réussit à nouveau à s’évader, échappa à toutes les recherches, regagna clandestinement Brazzaville où il prit langue avec un dirigeant amicaliste qui l’accompagna dans sa fuite au Congo Belge.

    Le combat de Matsoua galvanise l’action des résistants

    De cette colonie voisine, Matsoua s’embarqua pour Dakar avant de gagner Casablanca au Maroc puis Paris où il se fixe de nouveau, sous une fausse identité. A la troisième année de son séjour clandestin à Paris éclate la deuxième guerre mondiale. Matsoua se porte volontaire pour aller y combattre sous le drapeau français. Nègre et engagé volontaire, il fut envoyé au premier poste de combat c’est-à-dire à la ligne de front. Il se battit courageusement et fut parmi les premiers blessés évacués sur l’arrière. Pendant ce temps, la répression battait son plein au Congo où l’administration coloniale qui attendait de la population sa part de l’effort de guerre était plutôt confrontée à une résistance passive du peuple lari remobilisé par le mouvement amicaliste. Le colonialisme français, excédé par la popularité de Matsoua ma Ngoma autour duquel l’agitation anticolonialiste au Congo se cristallisait, se résolut à l’arrêter à l’hôpital même où il était soigné. «ã€€J’ai été le même jour (3 avril 1940) conduit au ministère de l’Intérieur, écrivait Matsoua. J’y ai été l’objet d’un long interroga-toire au cours duquel il m’a été reproché d’avoir fait de la politique et de l’agitation antifrançaise, d’avoir collaboré avec l’ennemi, d’avoir professé des opinions communistes sinon même d’avoir appartenu à des organisations communistes qui exercent une activité antifrançaise et anticoloniale. Il m’a été aussi reproché d’être considéré comme un sorcier et un griot ».

     

    Transféré au Congo en mai 1940, Matsoua fut retenu prisonnier de longs mois sans jugement. Le 8 février 1941, il fut jugé et condamné aux travaux forcés à perpétuité avant d’être «liquidé» le 13 janvier 1942 dans la prison de Mayama. Dans un témoi-gnage pathétique, l’abbé Auguste Nkounkou a écrit ce qui suit : «ã€€quand j’eus appris que l’état de santé de Matsoua Grenard laissait à désirer, je me décidai à me rendre en hâte à Mayama, dans l’intention de lui proposer les derniers sacrements. Mais j’arriverai trop tard. Grenard était mort le 13 janvier à cinq heures du matin. Il avait reçu la veille un coup de crosse d’un milicien. Après ce coup, il vomit du sang et dit : C’en est fini de moi, l’enterrement, sans pompe eut lieu le même jour». Cette issue était prévisible. La peur que suscitait l’amicalisme, l’affolement des colons face à la résistance du peuple congolais, l’arbitraire et le cynisme même qui marquèrent l’arrestation de Matsoua laissaient présager cette fin tragique. La modernisation de Kinkala où trône la statue d’André Grenard Matsoua est sans doute une reconnaissance posthume du mérite de ce personnage excep-tionnel, des autres héros de l’Amicale tels Malanda (fusillé à Boko), les frères Mbiémo et Milongo (fusillés à Mayama) et un hommage appuyé à tous les responsables amicalistes morts en déportation.

    Aimé Raymond Nzango

     
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